Nos tutelles

CNRS UCBL Lyon1 ENS Lyon

Rechercher




Accueil > Actualités

L’anatomie d’un Serpent Cosmique

publié le

L'anatomie d'un Serpent Cosmique


Image. Le serpent cosmique est l’image d’une galaxie distante de 6 milliards d’années-lumière, déformée et étirée par un champ gravitationnel fort qu’elle traverse. Crédit Image : ESA/HUBBLE, NASA, UNIGE/Antonio Cava.


Adapté du communiqué de presse de l’Université de Genève
On connait de façon assez précise les mécanismes qui président à la formation des étoiles, de la matière interstellaire jusqu’aux nuages qui se distribuent dans l’espace et s’y contractent avant de donner naissance aux étoiles dans des amas. Mais l’observation des galaxies les plus lointaines a remis en cause ce modèle, la taille et la masse des amas qu’on y observe excédant largement celles de l’Univers proche. Des équipes des Universités de Genève (UNIGE) et de Lyon (CRAL, Johan Richard) pour l’observation et la modélisation, et de Zurich (UZH) pour les simulations se sont attaquées à cette divergence qui semble remettre en cause nos connaissances de la formation stellaire lorsqu’on plonge loin dans le temps et dans l’espace. Elles ont trouvé les premières réponses grâce à l’observation d’un serpent cosmique.


L’étude de la formation des étoiles repose sur le travail combiné de nombreuses équipes internationales qui mènent des observations à différentes échelles. Le télescope spatial Hubble, lorsqu’il est pointé vers des galaxies à fort décalage spectral vers le rouge, permet depuis une dizaine d’années d’étudier en détail des objets distants de 6 à 7 milliards d’années-lumière, loin de nous à la fois dans le temps et dans l’espace. Ces observations ont ouvert un débat inattendu parmi les astronomes : dans un passé lointain, la formation des étoiles était-elle régie par d’autres lois ? C’est ce que semblaient suggérer les données fournies par Hubble, en révélant dans ces galaxies lointaines la présence de zones de formation des étoiles, des amas de gaz et d’étoiles pouvant mesurer jusqu’à 3000 années-lumière, mille fois plus grandes que celles qu’on observe dans les régions plus proches de l’Univers. Et ces amas surdimensionnés semblaient être la norme parmi les galaxies à fort décalage spectral.


Le recours à une lentille gravitationnelle
La distance qui nous sépare de ces objets empêche leur observation précise, mais les astronomes ont surmonté cette difficulté en utilisant une lentille gravitationnelle, un instrument puissant fourni par l’Univers lui-même, et par les lois qui le régissent. Le télescope est pointé en direction d’un objet extrêmement massif, suffisant pour que son champ gravitationnel affecte la lumière d’une galaxie plus lointaine encore, et qui se trouve derrière lui. La lumière le contourne, offrant une image amplifiée et répétée plusieurs fois de la même galaxie. Dans notre cas, les astronomes ont observé avec Hubble une énorme lentille montrant des images déformées, étirées et se touchant presque, formant un véritable « serpent cosmique ». « L’image amplifiée est plus précise, plus lumineuse, et permet d’observer des détails jusqu’à 100 fois plus petits », explique Antonio Cava, maître assistant au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE.


Le fait que l’image de la galaxie soit répétée cinq fois à des résolutions différentes permet aussi d’établir des comparaisons et de s’assurer de la structure – et de la taille – de ces amas géants. Loin de conclure à l’existence de lois différentes dans les zones les plus éloignées de l’Univers, l’équipe internationale emmenée par l’UNIGE, et comptant des spécialistes du CNRS et des Universités de Zurich, de Lyon et de l’Universidad Complutense de Madrid, a découvert que les amas ne sont en réalité ni si grands ni si massifs que le laissait penser Hubble auparavant, mais qu’ils sont simplement constitués de plusieurs amas plus petits, un constat que la distance avait interdit jusque-là.


C’est un pas important pour la compréhension des phénomènes à l’œuvre dans les galaxies lointaines, même s’il n’explique pas encore entièrement les différences observées. « Nous sommes passés d’un écart de 1 à 1000 à un écart de 1 à 10 entre d’une part ce qu’on observe dans l’Univers proche et ce qu’on observe dans les galaxies distantes », souligne Daniel Schaerer, professeur à l’UNIGE. Qui se félicite également de la convergence entre les dernières observations et les simulations sophistiquées développées au sein de l’UZH qui permettent d’expliquer ces différences par la nature plus turbulente des galaxies lointaines.

 
 
Auteurs : Antonio Cava1, Daniel Schaerer1,2, Johan Richard3, Pablo G. Pérez-González4, Miroslava Dessauges-Zavadsky1, Lucio Mayer5,6 & Valentina Tamburello5,6

- 1 Department of astronomy, University of Geneva, 51 Chemin des Maillettes, CH-1290 Versoix, Switzerland
- 2 CNRS, IRAP, 14 Avenue E. Belin, 31400 Toulouse, France
- 3 Univ Lyon, Univ Lyon1, Ens de Lyon, CNRS, Centre de Recherche Astrophysique de Lyon, UMR5574, F-69230, Saint-Genis-Laval, France
- 4 Departamento de Astrofísica y Ciencias de la Atmósfera, Facultad de CC. Físicas, Universidad Complutense de Madrid, E-28040, Madrid, Spain
- 5 Center for Theoretical Astrophysics and Cosmology, Institute for Computational Science, University of Zürich, Winterthurerstrasse 190, CH-8057 Zürich, Switzerland
- 6 Physik-Institut, University of Zurich, Winterthurerstrasse 190, CH-8057 Zürich, Switzerland

 
 

Voir en ligne : The nature of giant clumps in distant galaxies probed by the anatomy of the cosmic snake (Nature Astronomy, 2017)