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Le projet Sphinx

publié le , mis à jour le

Le projet Sphinx

Simuler l’époque de réionisation sur les plus grands ordinateurs européens


L’époque de la réionisation (EoR) est l’un des chapitres les plus fascinants de l’histoire de l’Univers. Elle commence quelques centaines de millions d’années après le Big Bang, quand les premières étoiles se forment, et, en s’allumant, mettent fin à ce qu’on appelle les âges sombres. Rapidement, ces premières étoiles cèdent la place aux premières générations de galaxies, qui émettent bientôt assez de lumière ultraviolette pour ioniser et réchauffer tout le gaz intergalactique. Bien que les observations nous montrent sans ambiguïté que l’Univers dans son ensemble était réionisé environ un milliard d’années après le Big Bang, les théoriciens ont encore du mal à proposer une explication complètement cohérente de ce processus. La difficulté majeure dans ce domaine vient de la dynamique des échelles impliquées. Le rayonnement ionisant est produit par les étoiles massives, et sa capacité à sortir des galaxie pour ioniser l’Univers est déterminée par la distribution du gaz dense dans le voisinage immédiat de ces étoiles, sur des échelles de quelques dizaines d’années lumières. Dès que ce rayonnement s’échappe, toutefois, il se propage à travers le milieu intergalactique essentiellement vide, en parcourant des millions d’années lumières. Jusque récemment, il n’existait aucune méthode numérique qui pouvait aborder ces deux régimes de manière cohérente. Les chercheurs avaient donc recours soit à des simulations de galaxies individuelles, qui résolvaient la physique aux petites échelles, soit à des simulations de grands volumes d’Univers dans lesquelles les galaxies étaient à peine résolues.


Récemment, Joakim Rosdahl (Centre de Recherche Astrophysique de Lyon) et H. Katz (Université de Cambridge) ont développé une nouvelle méthode numérique qui résout ce problème et représente une percée majeure dans le domaine. Leur algorithme permet de propager le rayonnement dans des simulations cosmologiques à toutes les échelles : depuis les sites de formation d’étoiles, où les bulles d’ionisation croissent lentement du fait de la grande densité du gaz, jusqu’au milieu intergalactique, dans lequel la très faible densité du gaz leur permet de s’étendre à la vitesse de la lumière. En utilisant le super-ordinateur Common Computing Facility (CCF) du LabEx LIO, J. Rosdahl et H. Katz ont pu tester leur méthode et réaliser une première série de simulations pilotes qui ont montré son succès. J. Rosdahl a alors constitué et mené une équipe de chercheurs de premier plan au niveau international, du CRAL, de l’Université de Cambridge, de l’Université de Strasbourg, et de l’Université de Zurich, pour construire le projet Sphinx et demander du temps de calcul sur les plus puissants ordinateurs d’Europe via Partnership For Advanced Computing In Europe (PRACE, call 14). Cette demande de temps a été la seule demande en astrophysique portée par un institut français qui soit récompensée cette année, et l’équipe de J. Rosdahl a reçu 13,7 millions d’heures sur le super-ordinateur allemand SuperMUC pour réaliser les simulations proposées. Les simulations prendront quelques mois (en temps réel) pour tourner sur 10,000 coeurs en parallèle, et les premiers résultats scientifiques sortiront fin 2017. Parmi les questions nombreuses qui seront abordées par ce projet, les chercheurs du CRAL espèrent comprendre quelles galaxies sont principalement responsables de la réionisation de l’Univers, comment des modèles légèrement différents d’émission stellaire affectent le processus de réionisation, et dans quelle mesure le réchauffement du milieu intergalactique inhibe la formation des galaxies.

Simulation pilote du projet Sphinx
Cette image est extraite d’une simulation pilote du projet Sphinx. Elle montre comment les bulles d’ionisation s’étendent autour des premières génération, entre 530 (à gauche) et 740 (à droite) millions d’années après le Big Bang. Le code de couleur indique la température du gaz. Le bleu foncé correspond à du gaz froid, autour de 100 degrés Kelvin, constitué principalement d’hydrogène neutre. Le bleu clair montre les bulles de gaz tiède (quelques 10,000 degrés Kelvin) qui a été chauffé et ionisé par le rayonnement ultraviolet des étoiles. Les régions jaune-rouge montrent du gaz très chaud lié aux vents galactiques produits par les explosions de supernovae. Un milliard d’années après le Big Bang, les bulles bleu-clair finissent par remplir tout l’univers, le laissant dans l’état ionisé dans lequel il est depuis lors.
Simulation réalisée par J. Rosdahl au LIO/CCF

Voir en ligne : Voir le film dont l’image ci-dessus est extraite : "Évolution et re-ionisation d’un morceau de l’Univers primordial"